Loïc Merle : « J’aime surtout les livres qui vous emportent »
Avec « L’esprit de l’ivresse », le Lyonnais Loïc Merle a écrit un premier roman très remarqué, ancré dans les soubresauts d’une société en crise. Entretien.
Comment est venue l’idée de votre livre ?J’étais enseignant en 2005 dans l’une de ces banlieues de la région parisienne où des émeutes ont eu lieu. J’ai été surpris par la violence de l’explosion. Mais aussi par le fait que l’on en efface très vite les traces. Là où j’étais, les gamins aussi bien que les parents ne voulaient plus en parler, alors même que ces événements restaient dans les esprits. Ça m’a posé des questions. Et ça rejoignait un sujet qui me préoccupe depuis longtemps : l’écart qu’il y a entre la périphérie et les villes. Je me suis aperçu que mon sujet était ce trou entre les deux.
Vous avez écrit votre roman en Allemagne, cette distance était-elle nécessaire ?C’est un concours de circonstance mais c’est bien tombé. Ça a créé quelque chose d’intéressant dans mon rapport à la langue française. Ne la parlant plus quotidiennement, j’ai éprouvé le besoin de me la réapproprier. Je me suis rendu compte que beaucoup d’écrivains qui m’intéressaient étaient des écrivains de l’exil.
Votre livre met en scène trois personnages principaux, un vieil immigré, une jeune fille et un Président de la République…En avançant, j’ai vu qu’un personnage ne pouvait prendre en charge tout ce que je voulais décrire. J’ai donc créé un autre personnage pour compléter l’univers du premier, puis un troisième. Des liens se sont créés, par exemple le personnage du vieil immigré a le même âge que le Président, ils peuvent donc se retrouver sur certains aspects en dépit des milieux sociaux différents auquel ils appartiennent.
On sent une recherche dans votre écriture, ample, riche, est-ce volontaire ?Il m’est impossible d’aller vers une écriture blanche, sèche. Mes émotions de lecteur, je les dois à Proust, à Céline… Ce n’est pas précisément des écrivains qui font court. Ça s’inscrit dans un projet. De plus, je crois que les grands auteurs essayent aussi de s’adapter à ce qu’ils veulent raconter. Je ne partage pas cette idée qu’il faut éviter les adjectifs et les adverbes. Qu’il faudrait limiter la phrase à une structure qui comprendrait uniquement sujet, verbe, complément. Pour moi, plus le tissu du texte est serré, mieux c’est. J’aime les livres qui vous emportent, qui ne laissent pas au lecteur la moitié du travail à faire… Même si je considère que des livres courts comme « L’attrape-cœur » ou « Gatsby le magnifique » sont des chefs-d'œuvre.
Propos recueillis par Nicolas Blondeau