L’Ermitage est un site ancien qui date d’avant 1600, il est nécessaire de le resituer dans l’histoire.
_1595 : Les troupes des Lorrains Tremblecourt et d’Hassonville envoyées par Henri IV ravagent le plat pays durant trois mois avant d’être repoussées par l’armée espagnole, puis les armées d’Henri IV envahissent la Comté, la pillant et la dévastant, sommant les villes de se rendre.
Conliège fut brûlé le 30 août 1595.
_19 juin 1605 : « Par acte daté du 19 juin 1605, noble Claude Robin, capitaine de Binans , érigea à côté de l’Ermitage, une chapelle… »
_à partir de 1618 : La Comté connaît plusieurs crises de subsistances, assorties de famines et d’épidémies de peste, parmi lesquelles la terrible épidémie de peste noire, bubonique, de 1635-1636 en pleine guerre de dix ans.
_1633-1643 : La guerre de dix ans débute avec le siège de Dole durant deux mois et demi.
Durant les trois années suivantes, les armées françaises et suédoises parcourent la Comté, dévastant tout sur leur passage.
Plus de la moitié des Francs-comtois disparaissent, morts ou émigrés à l’étranger.
Réfugiés dans les forêts ou les grottes (dont celles de Revigny en 1637), les rescapés tentent de survivre.
_24 juin 1637 : Les troupes du Duc de Longueville incendient Lons Le Saunier, qui reste en ruine jusqu’à 1642.
D’après R. Fonville « L’allemand Saxe Weimar faisait brûler les villages dont les habitants étaient repoussés dans les flammes, et lorsque les paysans à son approche s’enfuyaient, se réfugiant dans les bois ou les grottes, il faisait murer vivants les pauvres fugitifs au fond de leur retraite et puis, satisfait, il ordonnait de gazonner l’ouverture et d’y planter des arbres. »
De ce fait, pendant la durée des guerres du XVII siècle, deux hommes faisaient continuellement le guet à l’Ermitage de Conliège
_1639 : La peste et la famine réduisent la population de Conliège à 5 familles seulement.
_13 mai 1641 : Le capitaine Lacuson, un des principaux chefs militaires du camp espagnol s’installe solidement au château de Montaigu. De là, il observe et organise des embuscades.
Il livra notamment un combat sérieux sur le mont de Perrigny près de l’église de Saint Etienne de Coldre. Une quinzaine d’ennemis furent tués et le village de Coldre fut entièrement brûlé.
_1668 : Première conquête de la Franche-Comté par Louis XIV, les troupes de Louis XIV entrent en Comté.
L’occupation française s’achève avec le traité d’Aix-La-Chapelle qui restitue la Comté à l’Espagne.
_1674 : Deuxième conquête par Louis XIV : les armées du Roi de France envahissent à nouveau la Comté.
Besançon résiste trois semaines et finit par capituler comme Gray, Dole, Salins, Arbois…
_1678 : Le traité de Nimègue cède la Franche-Comté, à l’exclusion de la principauté de Montbéliard, à la France. Besançon devient capitale de la Comté et abrite, outre le parlement et l’intendance, le gouvernement militaire.
_1808 : Délibération du Conseil municipal de Conliège, « informé que des gens de mauvaise vie et des dévastateurs de bois se retirent habituellement dans le ci-devant Hermitage appartenant à la commune, dont les bâtiments tombent en ruine et pouvant occasionner des accidents, arrête que cet ancien ermitage sera démoli sans frais ». Ce qui ne fut heureusement jamais mis en exécution
_14 mars 1814 : A Lons Le Saunier, le Maréchal Ney décide de se rallier à Napoléon à son retour de l’île d’Elbe.
_16 juin 1836 : La commune de Conliège loue l’Ermitage pour 12 francs par an à Joseph Elie Simonin.
La population de Conliège et de tous les environs tient beaucoup à cet Ermitage, mais la commune à qui il appartient n’a guère de revenus et l’entretien de ses vieux murs n’est pas dans ses possibilités.
Alors, on fait appel à Joseph Elie Simonin dont les vertus sont connues et qui a fait ses preuves dans son pays. L’ermite accepte et quitte Saint Sorlin pour trouver des bâtiments dans un état complet de ruines.
_15 août 1836 : Une lettre anonyme, adressée à la Préfecture, accable les occupants de l’Ermitage de noirs desseins : « ces gens, presque sans aveu, ont pour but principal d’exploiter la crédulité publique. A cet effet, ils viennent de placer un tronc, planter une croix à côté de cet Ermitage et tout cela avec une cérémonie pompeuse et sans permission aucune. A cette cérémonie assistaient les personnes les plus crasses de Conliège ainsi que quelques autres appartenant à l’autorité…
Ces prétendus ermites se font passer pour des thaumaturges, Conliège et les environs sont remplis de leurs miracles… Un de ces escogriffes prétend guérir les plaies, à la manière de Saint François d’Assise. Ce sont des gens complètement tarés par l’usure, l’un a abandonné sa femme, un autre est un jeune homme usé, tonsuré, vêtu d’une soutane, qui n’a pas encore fait connaître ses pouvoirs ecclésiastiques… »
Grâce aux archives de l’évêché, nous connaissons le règlement de l’Ermitage de Conliège, très sévère, s’inspirant de celui des Chartreux. C’est une vie de prière et de travail. A minuit, on se relève pour prier pendant deux heures. Le travail est entrecoupé par les offices religieux. La cloche rythme les activités de la journée et retentit aussi à minuit. Les ermites ne doivent pas consommer de viande. Ils peuvent prendre des laitages et un peu de beurre, sauf en Carême.
Des documents nous disent que Joseph Elie suit scrupuleusement le règlement.
Julie, sa pieuse femme, a très probablement vécu la même vie à ses côtés.
_ 18 avril 1848 : L’Ermite et son épouse vendent leurs propriétés à Conliège (Côte de l’Ermitage près de la fontaine) en nature de vigne, de terres et friches d’une superficie totale de 1 hectare et 8 ares. Ils résident à Saint Sorlin où ils ont décidé de vivre définitivement.
_11 janvier 1881 : La compagnie Paris-Lyon-Méditerranée établit la voie ferrée Champagnole- Lons Le Saunier traversant 13 communes (dont Conliège) pour une longueur de 43,7 km.
_8 avril 1891 : Ouverture au trafic de la voie ferrée PLM.
_1887 : Location de l’Ermitage pour 9 ans à Etienne Lacombe, demeurant à associé à Léon Moret de Briod, les preneurs devront sonner la cloche tous les jours à 11 heures du matin et 3 heures du soir.
_1914-1918 : Première guerre mondiale : nos monuments aux morts montrent les conséquences désastreuses pour la France et ses villages de cette guerre meurtrière. La baisse de la population a pour conséquences l’abandon du site de l’Ermitage.
_1927 : « La famille Prost de Lons le Saunier se promenait comme tant d’autres, sur le sentier qui conduit de la gare de Conliège à Saint Etienne de Coldre et qui offre une vue magnifique sur la vallée.
Comme elle passait à l’Ermitage, des enfants s’amusaient à briser les statues de pierre qui agrémentaient le jardin et ces vandales en précipitaient les morceaux dans la côte.
Emus par de telles actions, monsieur et madame Prost décidèrent d’acheter ces bâtiments qui avaient à nouveau grand besoin d’entretien et que la commune n’avait pas le moyen de réparer. Les nouveaux propriétaires surent consolider ces vieux murs et en faire une résidence pleine de charme et de pittoresque. Pendant 30 ans, cette propriété a été respectée puis, hélas, elle a été maintes fois vandalisée et dévalisée.
_ juin 1940 à novembre 1942 : L’armée allemande entre en Franche-Comté en juin 1940. Celle-ci est alors coupée en deux par la ligne de démarcation qui suit en partie le cours de la Loue.
_1942 à 1944 : La Franche-Comté est entièrement occupée. Des exactions sont perpétrées au hasard des villes et villages traversés. Le 10 juillet 1944 : les troupes ukrainiennes Vlassof encadrées d’officiers de l’armée allemande et dirigées par la Gestapo aidée de la milice investissent Conliège dans le cadre d’une vaste opération de représailles.
_11 juillet 1944 : 6h30, les maisons sont fouillées, 25 jeunes hommes sont arrachés de leurs foyers, un habitant de Verges est arrêté à Revigny, pris pour un terroriste, il est fusillé sans autre forme de procès à Conliège, 13 seront déportés, 8 ne reverront jamais Conliège.
Dans le Jura, cette tragique journée se soldera par 45 fusillés, 75 déportés à Neuengamme, 18 seulement sont revenus.
_septembre 1944 : La Franche Comté est libérée, excepté le nord du département du Doubs qui ne le sera qu’en novembre.
Après la guerre, l’Ermitage est de moins en moins utilisé par ses propriétaires et le site est de nouveau pillé et vandalisé.
C’est en 1996, que au vu de l’état des lieux et sous l’impulsion du foyer rural de Conliège et de l’association Beauregard que monsieur Alain Brune, maire de Conliège, annonce la création de l’association l’Ermitage, dont le but sera d’acquérir et de restaurer cet Ermitage.
L’achat est réalisé le 14 avril 1997, il y a juste 20 ans pour la somme de 30 000€ et depuis plus de 120 000€ dont près de la moitié a été consacrée à la réfection totale du toit en laves et des milliers d’heures de bénévolat ont été investis pour la sauvegarde de ce site.
Le soutien des communes de Conliège, de Briod et de Perrigny, l’investissement de nombreux bénévoles de l’association l’Ermitage, mais aussi d’autres telles que les amis de la percée, le foyer rural de Briod, l’association de défense du patrimoine de la vallée de la Vallière et tout récemment de l’ALL Jura Trail nous ont permis de persister dans notre objectif de restauration.
De nombreux donateurs ont permis de maintenir un équilibre budgétaire nécessaire aux travaux de rénovation et d’entretien.
Malheureusement le 21 novembre 2015, un incendie criminel détruit la bergerie et après de multiples tractations avec la direction régionale des affaires culturelles, les travaux de reconstruction devraient débuter en juin 2017.
Le montant des travaux s’élève 100 000€, couvert en partie par l’assurance, des subventions et des dons (1000 laves pour l’Ermitage : il reste 295 laves à acquérir pour 25€ la lave).
Pour terminer, l’Ermitage a un vécu et il est bon de s’en souvenir lorsque nous entrons sur ce site.
L’association l’Ermitage le restaure, pour nous même certes, mais aussi pour conserver ce patrimoine et le transmettre aux générations futures.
Mais en attendant, profitons de l’endroit.
Depuis l’achat par l’association : ce site a été très visité, promeneurs, randonneurs, puis VTTistes et enfin trailers.
Beaucoup de passages donc, rythmés par le son de la petite cloche, mais à ce jour, l’Ermitage n’avait jamais vu une telle fréquentation, en une seule matinée le 2 avril 2017, 2325 trailers sont passés plus ou moins rapidement mais tous accueillis de façon très conviviale et dynamique par une équipe motivée : Sylvie, Christine, Fabrice, Stéphan et les deux Marie Line dont l’une était la maitre d’œuvre de ce ravitaillement.
Bravo à cette équipe.
Ce ravitaillement était difficile d’accès, merci à Paul Roulin et son équipe pour la logistique.
Le trail des reculées a été une réussite, le ravitaillement à l’Ermitage a été une réussite, merci et bravo à l’ALL Jura Trail de continuer à faire connaître ce patrimoine historique.